D’après nature

Centre municipal de St-Denis-de-la-Bouteillerie

Architecture : Alfred Pelletier, architecte

Les paysages du Québec exhibent des contrastes saisissants. À Saint-Denis, la population alterne presque entre le simple et le double, au gré des saisons. L’hiver, la vie migre un peu vers l’intérieur en préparation des mois les plus chauds, pour que reprennent à leur tour les activités d’agriculture et de villégiature.

Que ce soit tant dans le décor que dans les éléments construits et le facteur humain, je tente d’évoquer ce potentiel de mutations et d’expansion saisonnières. Quelque chose qui, comme en respirant, se comprime et se dilate tour à tour, s’adaptant aux changements. Pour ce faire, plusieurs figures offriraient un potentiel emblématique des lieux : des noix et des semences qui éclatent, des feuilles qui s’ouvrent ou s’accumulent au sol, des abris qui se déploient ou se referment, des embarcations sur le fleuve et plus encore ; une installation polysémique saura le mieux prendre en compte cette vie qui bouge et change au fil du temps.

Bien que la juste occupation de cet espace commande des éléments d’assez bonnes dimensions, j’ai évité les grandes surfaces opaques risquant de masquer la lumière du jour, laquelle émerge des deux extrémités de l’immeuble. Sur un plan formel, l’aspect général de l’installation emprunte au volume du vaisseau qui l’abrite, de même qu’aux meneaux des murs-pignons qui font penser à des fermes de toit. L’ensemble évolue beaucoup à mesure que l’on parcourt cet espace pour voir les formes tantôt les unes dans les autres, tantôt isolées et de profil, ouvertes dans un sens, plutôt fermées dans l’autre. Il en est de même des interprétations possibles qui fluctuent aussi, mais cette fois en vertu de multiples métaphores. Que ce soient des coques de bateaux par exemple ou l’alignement de jeunes feuilles qui nous parlent des plantations, ou bien même des pas dans la neige : la babiche étant un matériau très connoté, j’ai évité le nattage typique des raquettes pour citer plutôt les petites nervures qu’on voit de près sur les feuilles.

Des éléments de fer forgé figurent aussi de chaque côté afin de suggérer une articulation virtuelle des membres autour d’un pivot. Ces composantes métalliques sont fixées en retrait des membrures de bois, pour des raisons esthétiques mais aussi pour souligner justement leur connotation mécanique.

De même, le rendu fait main, les matériaux chauds et naturels utilisés conviennent bien à l’environnement rural que l’on retrouve ici. Rien n’empêche toutefois qu’il s’agisse d’une proposition résolument actuelle, au sens ouvert.

Parfois, j’acquiesce à la pertinence de montrer des choses assez explicitement. Certaines références s’amènent par elles-mêmes et subsistent, au mérite. Reste encore à surveiller l’enchevêtrement de métaphores et en assurer le meilleur équilibre : si l’un des niveaux de lecture tend à s’imposer sur les autres, je pourrais alors tâcher de l’opposer à un élément nouveau, lequel fera rebondir une équivoque. L’expérience sensorielle n’en sera que meilleure.