
Atelier de création littéraire animée par Anne Peyrouse offert par Nouaisons, centre agriculturel, Scott
J’étais l’un des seuls à trouver mon bonheur à la petite école lors des cours de français. Pourtant, ces derniers empiétaient souvent sur les travaux d’arts plastiques afin de les rendre utiles à quelque chose comme de préparer de jolies cartes pour la fête des mères. J’ai beaucoup aimé ma mère, je me suis lâché lousse à tous les ans dans ces trop courtes rédactions, trop courtes en temps imparti. Après, il y a bien eu les textes de démarche artistique qui sont cependant trop formatés, où il faut être clair et convaincant même si l’on n’est pas toujours dans un état pour être affirmatif. Tout compté, ça ne fait pas beaucoup d’espace-temps dans une vie pour s’asseoir et écrire.

Tout ce qui se fait dans le monde provient de quelque part. Arrivant de quelque atelier, usine ou gisement naturel, on l’achemine vers des marchés de toutes allégeances pour rassasier désirs et besoins confondus. L’on trouve en majorité sur les marchés ce qui se fait pour les autres, qu’on destine aux autres parce qu’ils en font la demande. Mais surtout, ajoutons ce qui aboutit aux autres mais par effet de rayonnement, parce qu’on le fait d’abord par soi-même et pour soi. Comme on respire pour vivre, pour mieux vivre et comprendre ce en quoi l’humain peut se trouver, se dépasser.
Il y a plus de trente ans, j’ai eu la chance d’avoir pour professeur le regretté Paul Lacroix, cet homme attachant et badin pour qui le jeu et l’émerveillement étaient des choses sérieuses. Dans ses mots, il nous répétait que nous les étudiants, nous les professeurs, nous les artistes, ne sommes pas en atelier pour produire des œuvres d’art. Il y a plus important que l’art, c’est la recherche, l’étonnement, le travail. L’art vient après, lorsqu’on a fini. Son sort est alors, ou pas, décrété par les autres.
Paul n’aimait pas trop voir rentrer les beaux papiers dans ses classes de dessin. Avec son expérience, il savait que l’un de nous bradait son papier newsprint quand il se pensait arrivé, quand il se voyait aux portes du chef-d’œuvre, là où il ne reste qu’à le cueillir. J’en ai moi-même fait l’expérience. Dès qu’on pensait un peu trop à la postérité, le présent nous lâchait sous les pieds et toute la construction aussitôt s’écroulait : on n’était plus capables de rien faire et ne restait qu’à patiemment reconquérir cette petite chose brièvement aperçue et repartie qu’on avait prise pour un état de grâce. Paul avait fait du dessin un rare espace-temps qui ne s’achète pas et dont on ramène peu de chose qui ait une valeur matérielle, l’ayant assimilé quelque part dans le ventre, là où tout reste à soi mais sous forme de désir, là où rien n’est jamais acquis.
Ce qu’on livre en arts visuels est issu d’une vie d’atelier mais aussi d’un tas d’autres petits chantiers connectés à nos quêtes personnelles. Les œuvres proviennent de tous ces chantiers en même-temps, dont plusieurs ne sont pas du tout liés à un marché, à une demande quelconque. C’est de là qu’elles tirent leur valeur. Dans l’esprit de ce que Paul m’a enseigné, ce ne sont pas des œuvres d’art avant même de commencer mais seulement après m’être contenté à chercher, expérimenter. Le plus souvent, j’ai écrit parce qu’on me demandait d’expliquer ce que je fais. Pourtant l’écriture est elle aussi une matière première qui m’appelle à expérimenter.
En Beauce et depuis peu de temps, nous avons la chance de compter sur un centre d’artistes d’importance. Nouaisons se présente sous les contours inédits qui lient la création à l’agriculture, les arts visuels et la littérature. Venant d’une présence aussi inespérée que rafraîchissante sur notre aride territoire, même les surprises sont des gages de qualité. Dans cette foulée, je me suis jeté tête première dans le premier atelier de création littéraire en présence de sa jeune histoire.
Ceux qui sont familiers avec la littérature connaissent ces formules d’ateliers d’écriture d’une semaine ou plus animés par un mentor, où tout ce qu’on fait en groupe converge vers l’expression par l’écrit, l’émulation et la confiance mutuelle. Il fallait jouer le jeu pour pénétrer ce précieux espace-temps de l’écrit adressé à personne d’autre que moi, chose que je n’avais jamais faite de ma vie. C’est pourtant si simple, on y fait exactement ce qui m’a rendu si heureux en arts plastiques, mais par l’écrit. Le premier jour, je me suis présenté en m’excusant de ne pas être un littéraire mais un sculpteur qui écrit. Mais encore, j’étais là, comme tous les autres, pour jouer le jeu. Sans prétentions, pas même pour en ramener des textes, juste dans le présent.
L’atmosphère de travail et les exercices dirigés ont favorisé l’apprentissage et les expériences. J’estime avoir gagné de la confiance sur le plan de l’écriture lors de cette petite/grosse semaine, ce qui va paraître dans mon parcours. Je n’ai pas tant de textes derrière moi, mais j’écris.
Merci à Anne, aux collègues et à Nouaisons pour cette expérience humaine très prégnante.
Cher François, je suis désormais une fan finie de tes réflexions et de ton art.
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