
Exposition solo présentée à CIRCA art actuel du 19 mars au 30 avril 2022
Cette exposition est la deuxième d’une trilogie qui s’est amorcée à la galerie d’art Antoine-Sirois de l’Université de Sherbrooke en 2021-22, sous le titre Ce qui arrive. La troisième exposition sera présentée à la Galerie.a de Québec, du 6 au 29 mai 2022.
Durant mon enfance, j’ai eu la chance de pratiquer plusieurs métiers intéressants, parfois même en alternance. Ainsi j’ai tâté la course automobile, seul dans la bat-cave du commerce familial. Il m’est difficile d’expliquer aujourd’hui pourquoi mes voitures de course ne sont à peu près jamais sorties dehors. Je ne voyais pas l’intérêt de faire rouler ces constructions qui, en somme, me permettaient avant tout d’exprimer mes intuitions sur l’aérodynamisme et le design. Dès que je terminais l’un de ces bolides, je retirais les seules roues que j’avais pour en construire un nouveau par-dessus.
De même, ma carrière d’architecte ne fut pas trop perturbée par les clients et autres badauds qui, en plein soleil, auraient tôt fait de qualifier mes empilements de rêveurs et même dangereux.
Il en va ainsi de l’aérospatiale, alors que de grandes boîtes de carton ondulées se sont profilées en d’ambitieux vaisseaux et rampes de lancement. Je n’ai pas gaspillé mon enfance en missions de guerre ni même de paix. Les pieds bien lestés dans mes bottes, je m’en suis tenu à ce qui est tangible : la matière et les outils, la fatigue d’un travail obstiné.
Dans tous les cas de figure, ces métiers et spécialisations portent chacun leur approche du matériau, de la forme, de l’échelle humaine. Dans une pratique artistique, il est possible d’emprunter ces vocabulaires spécifiques dans un but qu’on dira peut-être un peu loufoque ou inutile. Par exemple, je me plais à imaginer ce qui pourrait sortir de l’atelier d’un cordonnier à qui l’on ne commanderait plus jamais de chaussures. Que serait-il capable de faire de toutes ces peaux de cuir, ces outils et ce savoir-faire?
Depuis plusieurs années maintenant, mes recherches sur les sphères servent de prétexte à m’acculturer dans ces différentes spécialités liées à autant de matériaux hétéroclites. Parfois même, on m’accueille dans l’un de ces milieux de savoir-faire où je tente de détourner le bagage technique vers quelque chose qui m’appartienne ; à la hauteur de mes limitations, de mes ambitions. Ainsi durant l’hiver 2021, j’ai fréquenté la faculté de Génie pendant quelques jours au Studio de création Fondation-Huguette et Jean-Louis-Fontaine, à l’Université de Sherbrooke.
La recherche qui se fait dans ces superbes installations facilite le prototypage lié à toutes les applications imaginables. Le plus souvent, les étudiants s’y amènent avec, dans leurs têtes et leurs portables, des idées à mettre en œuvre, des objets virtuels qu’ils vont bientôt faire basculer dans le monde des choses. Les fichiers informatiques sont acheminés vers la découpe au laser, l’impression 3D ou l’usinage assisté par ordinateur.
D’un point de vue conceptuel, et bien que je sois comme tout le monde au fait de ces technologies, ce fut tout de même un certain choc pour moi de me trouver quelque part où les créations existent d’abord virtuellement, avant d’être exécutées par des machines. Comme plasticien, je n’ai pas l’habitude de connaître dans le détail ce que sera l’objet avant de le faire puisque dans ma vie à moi, c’est dans la manipulation que la forme se conçoit.
C’est néanmoins une expérience que je voulais tenter, soit celle de mettre en place un système qui, par lui-même, génèrerait une forme donnée. Je n’ai pas la capacité de modéliser une sculpture complexe avant de l’acheminer vers une machine qui saura ensuite la réaliser entièrement. Cependant, et c’est ma chance, je suis capable de lancer un processus simple qui, à terme, saura générer une sphère : il s’agit de la faire tourner!
Des suites de ma résidence au Studio de création à Sherbrooke, j’avais élaboré une petite CNC artisanale qui m’a permis de réaliser quelques nouvelles pièces, notamment des séries Lester faire et Billot sphère. Cette année, j’en ai construit une plus grosse qui, cette fois, a rendu possible la sculpture L’aire d’une sphère qui, en compagnie de quelques autres pièces, peut être vue à Montréal chez CIRCA art actuel.
Merci à Charlotte Olivier et Émilie Granjon qui ont co-écrit l’opuscule de l’exposition, qu’on peut atteindre sous le lien plus haut.