Petits objets – Un compas déposant ses pièces tout autour

Même si plusieurs d’entre elles étaient alors restées à la maison, quelques petites sculptures encore inédites ont jalonné le long processus menant à mon exposition de 2016 à l’Œil de Poisson de Québec. Des sphères, des voûtes, autant de dômes et de petites coupoles m’ont mené à faire un premier inventaire des synonymes exprimant l’architecture des formes. 

Le plus souvent, je m’en suis tenu à décliner ce comment un même système peut générer la complexité mais, à terme, quelque chose de plus simple encore. Me rappeler aussi que l’on fait tous un peu la même chose lorsqu’on s’applique à tracer une courbe : un petit trait, puis un autre semblable le chevauchant, s’aventurant un peu plus loin à chaque répétition. Tranquillement, apparaît un double du petit trait, mais plus long et en caractère un peu plus gras. Décalé mais pas tant, rectifiant et affirmant le premier, annonçant quelque chose comme une tendance sur la page. En principe, un compas n’a que faire de tels hoquets, mais il ne s’agit pas ici de dessiner.

Ce sont de petits traits comme ceux-là, légèrement arqués et tous pareils, que j’ai mis en production pour la suite des choses. Des pièces appelées à buter parfaitement contre une trajectoire non pas dessinée à l’avance, mais révélée en cours de voyage, à mesure qu’on y pose les valises. Le voyage se fait autour d’un point, effleuré par autant de rayons soigneusement mesurés, pointant à hue et à dia. 

Étude armillaire 2016
Bois, acier 166 x 166 x 134 cm
Photo: Isabelle Houde

Que faire des grands classiques des cours à bois que sont les six par six de bois traité : un dans un sens, puis un autre le traversant à mi-bois, puis un troisième, un quatrième et ainsi de suite en périphérie, tournoyant autour d’axes faits de quatre par quatre, tous attirés vers un ultime point de référence. Nous avions là des structures de dômes à peine esquissées mais solidaires d’un même rayon, un vocabulaire de charpenterie célébrant la courbe à force de segments droits. Or, et dès le début du processus, j’ai exproprié une partie de l’atelier pour y créer un autre espace de travail à hauteur des hanches. Depuis lors, je peux en tout temps aller m’agiter dans une cour à bois alternative, peuplée des mêmes pièces massives, mais réduites à l’échelle de 1 pour 5, soit cinq fois plus petite que celle des spécimens de cours à bois.

Souvent, il me revient en tête que la création des monnaies s’accompagne d’une contrepartie en or, question d’asseoir une forte confiance envers la devise qu’on est en train d’instituer dans le monde et qu’on souhaite voir circuler de mains en mains. Ultimement, cette nouvelle monnaie servira même en retour à suivre quotidiennement les fluctuations de l’or sur les marchés. Il se pourrait bien que ce soit justement ces grosses beams standardisées et beurrées de créosote, fort peu transcendantes et si faciles à trouver partout qui m’aient permis de statuer, à mon tour, que les petites baguettes de profil carré que je venais de produire pour l’avenir ne sont pas une lubie. Ce ne sera pas en vain que j’aurai déligné un stock de chêne rouge en petites unités soigneusement mesurées. Je ne manipulerai plus seulement de gros morceaux un à un à bras raccourcis contre le seul abdomen que j’ai, mais aussi les petits, les faisant gracieusement tourner de mes dix doigts ; voilà l’échelle un pour cinq. Endossée en haut lieu dans toutes les succursales pour bricoleurs, une nouvelle norme d’échelle réduite n’aurait désormais rien de si loufoque, même pour moi qui traîne encore la réputation de ne construire que de très grandes sculptures qui ne passent pas les cadres de porte. Ainsi, m’appuyant sur les standards des chantiers de construction et d’aménagement paysager, je crois m’être sorti du vertige lié au brusque changement d’échelle. Toujours est-il que lors de la préparation de l’exposition Travaux armillaires à Québec en 2016, j’ai alterné de l’échelle 1 pour 1 côté cour à bois à l’échelle 1 pour 5, côté jardin. J’ai trouvé mes aises dans l’un et l’autre espace, au point de ne plus percevoir désormais les petites choses comme des maquettes. Ce ne sont pas des maquettes se limitant à représenter quelque chose qui existerait ailleurs. Au contraire, ce sont des compagnons de route au quotidien, des idées installées dans le concret. Les maisons de poupées sont habitables, pour peu qu’on y entre au lieu de s’asseoir devant.

Un compas déposant ses pièces – étude 1 2016
Bois (chêne), colle PL, huile de lin et cire d’abeille
48 x 40 x 26 cm.
Un compas déposant ses pièces – étude 5   2018
Bois (chêne et thuya), colle PL, huile tung
Avec le socle, 40 x 25 x 165 cm.

Un compas déposant ses pièces – étude 6   2018
Bois (chêne et thuya), colle PL, sinew synthétique, huile tung
52 x 62 x 19 cm.

Un compas déposant ses pièces – étude 7   2018
Bois (chêne), colle PL, sinew synthétique, huile tung
54 x 25 x 80 cm.

Votre commentaire

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s